Responsabilité du salarié devant le juge pénal : un levier pour l’employeur en cas de vol, d’abus de confiance ou de destruction de données professionnelles

L’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 14 janvier 2025 (n° M 24-81.365) confirme une orientation jurisprudentielle importante : le juge pénal peut être saisi par l’employeur afin d’obtenir réparation d’un préjudice causé par des infractions commises par un salarié dans l’exercice de ses fonctions, sans qu’il soit nécessaire de caractériser une faute lourde ou une intention de nuire.

Ce principe ouvre des perspectives concrètes pour les employeurs confrontés à des comportements délictueux de leurs salariés, notamment en matière de vol de documents, d’abus de confiance ou de destruction de données professionnelles.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité, un salarié avait été condamné pour conduite sous stupéfiants en récidive et excès de vitesse au volant d’un véhicule professionnel, causant un important dommage matériel à son employeur. La Cour de cassation a validé la condamnation de ce salarié au remboursement intégral des réparations réclamées par l’employeur, tout en écartant l’argument tiré de l’absence de faute lourde.

Cette position repose sur une distinction essentielle : la condamnation à réparer un dommage causé par une infraction ne constitue pas une sanction disciplinaire prohibée par le Code du travail, mais une simple application du droit commun de la responsabilité civile devant la juridiction pénale.

La jurisprudence ouvre ainsi la porte à une stratégie procédurale que les employeurs peuvent mettre à profit dans des situations fréquentes, mais juridiquement sensibles :

  • Vol ou captation de fichiers, de bases de données ou de documents confidentiels par un salarié avant son départ de l’entreprise ;
  • Abus de confiance, notamment en cas de détournement de matériel ou d’usage frauduleux de ressources professionnelles ;
  • Suppression, destruction ou altération de données avant la restitution d’un poste informatique ou d’un accès à distance.

Dans chacun de ces cas, la voie pénale permet à l’employeur de contourner les obstacles liés au droit du travail, qui impose la démonstration d’une faute lourde pour engager la responsabilité pécuniaire d’un salarié (notamment sur le fondement de l’article L. 1331-2 du Code du travail).

En se constituant partie civile dans le cadre d’une procédure pénale (plainte avec constitution ou citation directe), l’employeur peut demander réparation intégrale du préjudice subi, y compris sur des postes de préjudice que la juridiction prud’homale appréhende difficilement (atteinte à l’image, préjudice d’exploitation, perte de données stratégiques, etc.).

Cette voie présente plusieurs avantages stratégiques :

  • Renversement de la charge probatoire : en cas de condamnation pénale, la faute est déjà caractérisée.
  • Crédibilité renforcée de la demande : le juge pénal sanctionne des faits illicites, ce qui légitime la réparation.

Une jurisprudence à manier avec précaution

Il conviendra néanmoins de respecter les conditions strictes de recevabilité devant le juge pénal.

Par ailleurs, la plainte pénale ne saurait être détournée de son objet pour contourner les garanties du droit du travail (notamment en matière de licenciement).

En résumé, l’arrêt du 14 janvier 2025 rappelle que le régime de responsabilité civile issu du droit pénal offre à l’employeur un outil puissant et autonome pour obtenir la réparation des préjudices subis du fait d’infractions commises par un salarié.

Face à des comportements fautifs particulièrement graves — vols de données, destruction de matériel, détournements —, la voie pénale doit être envisagée non seulement comme un outil de sanction, mais aussi comme un levier de protection du patrimoine immatériel de l’entreprise.

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